Avertissement : les informations suivantes sont destinées aux professionnels de la santé. Elles contiennent des termes techniques et médicaux spécifiques.
Signes cliniques des crises aigües de porphyries
Ils se présentent typiquement chez une femme jeune (bien que ces maladies soient autosomiques, 80 % des malades sont des femmes agées de 15 à 45 ans) et souvent en période prémenstruelle. Habituellement précédée d’une phase prodomique (asthénie, anorexie, insomnie), la symptomalogie clinique de la crise aigüe associe trois grands syndromes : douleurs abdominales, troubles neurologiques et/ou psychiques. Chacun peut exister isolément, précéder ou suivre les deux autres. Les signes abdominaux apparaissent généralement les premiers et associent fréquemment :
- des douleurs intenses, continues ou paroxystiques, sans localisations prédominantes mais irradiant vers les membres inférieurs
- des nausées puis des vomissements pouvant entraîner des troubles hydroélectriques importants
- une constipation tenace alternant parfois avec des épisodes de diarrhée
L’examen clinique et radiologique ne révèle aucune anomalie objective. Une tachycardie, souvent sans fièvre, des épisodes d’hypertension artérielle et une hypersudation sont fréquemment constatés et relèvent d’une atteinte du sytème nerveux neurovégétatif.
Les troubles psychiques sont extrèmement polymorphes. Parfois isolés, ils sont associés au syndrome abdominal dans 30 % des cas. Souvent, ils se limitent à des troubles de l’humeur, irritabilité, émotivité, un syndrome dépressif et surtout une anxiété considérable. Plus rarement, ils réalisent un véritable tableau psychiatrique : délire d’interprétation, hallucinations auditives ou visuelles, désorientation et confusion mentale.
Dans ce contexte, la constatation d’une coloration franchement anormale des urines en rouge, brun rouge « porto » doit faire évoquer le diagnostic. Mais cet élément majeur peut manquer car la coloration anormale apparaît généralement 30 à 60 minutes après émission. A ce stade, si aucune erreur thérapeutique n’est commise, l’évolution spontanée de la crise est le plus souvent favorable, à fortiori si un traitement adapté est appliqué et les éventuelles causes déclenchantes supprimées.
L’absence de diagnostic ou l’administration de médicaments inadaptés pour traiter la douleur (paracétamol IV, noramidopyrine…), ainsi que l’utilisation de drogues inductrices dites « porphyrinogènes » (voir le site drugs-porphyria) augmentent le risques de survenue de complications qui peuvent être de trois ordres :
- une intervention chirugicale intempestive
- une prise en charge psychiatrique abusive (pour diagnostic « d’histrionisme » par exemple)
- une installation de complications neurologiques sévères
Ces atteintes neurologiques sont très hétérogènes et peuvent affecter le système nerveux périphérique et /ou central : myalgies, parésies parfois discrètes comme celles des extenseurs des doigts centraux de la main (à l’instar de la paralysie saturnine), paralysies flasques ascendantes des membres avec troubles sensitifs subjectifs intenses et amyotrophie, crises convulsives. Ces manifestations peuvent être fatales (atteinte bulbaire, paralysie respiratoire) ou comporter des risques de séquelles graves (paralysies motrices). Rarement inaugurales, les atteintes neurologiques sont le plus souvent déclenchées ou aggravées par des thérapeutiques inadaptées, administrées en absence de diagnostic. L’évolution de ces troubles neurologiques est imprévisible. En cas d’évolution favorable, la récupération fonctionnelle peut être complète mais souvent longue à obtenir.
La crise aigüe est, dans plus de 50 % des cas, précipitée par des facteurs déclenchants. Les plus fréquents sont l’administration de médicaments nécessitant pour être métabolisés une induction hépatique de certains cytochromes P450 (barbituriques, sulfamides, oestro-progestatifs…), les régimes hypocaloriques, les épisodes infectieux, toutes les situations de stress et, chez la femme, le cycle menstruel ainsi que les traitements hormonaux. Il existe cependant une très grande variabilité intra et inter individuelle des signes cliniques rencontrés et de la susceptibilité aux facteurs déclenchants.
Diagnostic biologique des porphyries aigües hépatiques:
Le diagnostic de porphyrie est très souvent évoqué dans le contexte clinique décrit associé à la constatation d’urines foncées ou rouges. Cependant, le diagnostic de crise aigüe de porphyrie hépatique ne peut reposer que sur le dosage en urgence des précurseurs de l’hème : l’ALA et le PBG dans les urines (séparation en chromatographie d’échange d’ions suivi d’un dosage spectrophotométrique). Leur augmentation franche ( ALA > 10 X et PBG > 20 X) affirme la crise aigüe. Le profil d’excrétion des porphyrines dans les selles peut permettre dans la plupart des cas de différencier la PAI des autres porphyries aigües (PV et CH). Dans 20 % des crises aigües, il existe une hyponatrémie probablement liée à une sécrétion inappropriée de l’ADH. Elle est plus fréquemment associée aux formes convulsives ou psychiatriques. Le diagnostic devra ensuite être confirmé par une diminution de 50 % de l’activité de l’enzyme en cause. Ce dosage devra être effectué dans un centre de référence comme le CFP.
Diagnostic biologique des porphyries
Type de porphyrie | Principaux signes cliniques | Diagnostic biochimique chez les patients symptomatiques | Méthode de détection des porteurs présymptomatiques | |||||||
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Urines | Selles | Globules rouges (GR) | Pic de fluorescence dans le plasma (en nm) | Activité de l’enzyme / Analyse ADN (*) | ||||||
PORPHYRIES AIGUES | ||||||||||
Porphyrie aigüe Intermittente [176000] |
crises aigües | PBG, ALA, Uro III | inutile | / | 618 – 620 | séquençage du gène PBDG faible activité de la PBDG dans les globules rouges (formes classiques) ou dans les cellules lymphoblastoides (formes variantes) |
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PORPHYRIES AIGUES / CUTANEES | ||||||||||
Coproporphyrie héréditaire [121300] |
crises aigües et/ou peau fragile et cloques | PBG, ALA, Copro III | Copro II, ratio des isomères III/I >2 | / | 618 – 620 | Séquençage du gène CPOX faible activité de la CPOX dans les lymphocytes |
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Porphyrie Variegata [176200] |
crises aigües et/ou peau fragile et cloques | PBG, ALA, Copro III | PP IX > Copro III | / | 624 – 627 | Pic de fluorescence dans le plasma uniquement chez l’adulte séquençage du gène PPOX faible activité de la PPOX dans les lymphocytes |
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PORPHYRIES CUTANEE | ||||||||||
Porphyrie cutanée sporadique [176090] |
Peau fragile et cloques | Uro I/III, Hepta | Isocopro, Hepta | / | 618 – 620 | ND | ||||
Porphyrie cutanée familiale [176100] |
Peau fragile et cloques | Uro I/III, Hepta | Isocopro, Hepta | / | 618 – 620 | Séquençage du gène UROD faible ativité de l’UROD dans les GR |
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PORPHYRIE A PHOTOSENSIBILITE DOULOUREUSE | ||||||||||
Protoporphyrie érythropoïétique [177000] |
Sensations de brûlures après une exposition au soleil | Normal | Proto IX | Proto IX libres | 630 – 634 | Séquençage du gène FECH, incluant la détection de l’allèle faible IVS3- 48 C faible activité de la FECH dans les lymphocytes |
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Protopoprhyrie érythropoïétique dominante liée à l’X [300752] |
Sensations de brûlures après une exposition au soleil | Normal | Proto IX | Proto-Zn et libres | 630 – 634 | Séquençage du gène ALAS2 | ||||
PORPHYRIES RECESSIVES RARES | ||||||||||
Porphyrie ALA déshydratase [125270] |
Neuropathies aigües et chroniques | ALA, Copro III | Inutile | ± Proto-Zn | / | Séquençage du gène ALAD faible activité de l’ALAD dans les GR |
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Porphyrie erythropoïétique congénitale (maladie de Günther) [606938] (*) |
Photosensiblité sévère ± hémolyse |
Uro I, Copro I | Copro I | Uro I, Copro I | 615 – 618 | Séquençage des gènes UROS et GATA 1 (**) faible activité de l’UROS dans les GR |
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Porphyrie hépatoérythropoïétique [176100] |
Photosenbilité sévère ± hémolyse |
Uro III, Hepta | Isocopro, Hepta | ± Proto-Zn | 618 – 620 | Séquençage du gène UROD faible activité de l’UROD dans les GR |
* : l’analyse de l’ADN doit être fait chaque fois que cela est possible pour confirmer le diagnostic. L’identification de la mutation chez un membre unique de la famille touchée est un prérequis pour une enquête familiale
** : La mutation du gène de la protéine de liaison GATA 1 à un facteur de transcription érythroïde spécifique lié à l’X a été trouvé dans un cas au CFP.