Avertissement : les informations suivantes sont principalement destinées aux patients et leurs familles.

Qu’est-ce-que la Porphyrie érythropoïétique congénitale (PEC) ?

La Porphyrie érythropoïétique congénitale (PEC), aussi appelée la maladie de Günther d’après le nom du médecin qui la décrivit pour la première fois en 1911, est une maladie héréditaire et une des formes les plus rares des porphyries. Dans la PEC, l’activité d’une enzyme appelée Uroporphyrinogène III Synthase (UROS) est très basse. Ceci conduit à l’augmentation de la production de porphyrines anormales dans la moëlle osseuse appelées porphyrines de type isomèrique I. Ces porphyrines s’accumulent dans l’organisme, en particulier dans les globules rouges et sont à l’origine des problèmes associés à la PEC.

Quel est la fréquence de la PEC ?

La porphyrie érythropoïétique congénitale est une maladie extrêmement rare. Le nombre exact de personnes atteintes n’est pas connu, néanmoins on estime qu’une personne sur 2-3 millions est touchée par cette maladie. Elle affecte les hommes et les femmes de façon équivalente.

Quelles sont les caractéristiques de la PEC ?

Les personnes atteintes de la PEC peuvent ne pas présenter tous les symptômes décrits ci-dessous. La gravité de la maladie peut varier entre les individus. En général, la maladie apparaît peu après la naissance ou pendant la petite enfance, mais, parfois, elle peut être retardée jusqu’à l’adolescence ou au début de l’âge adulte.

  • Les urines rouges dues à la grande quantité de porphyrines qui passent dans les urines sont souvent le premier signe observé chez les nouveau-nés atteints de PEC. L’intensité de la coloration peut varier d’un jour à l’autre.
  • La peau est très sensible à la lumière, en particulier à une exposition solaire directe ou à une lumière artificielle intense comme par exemple la lumière utilisée pour soigner la jaunisse chez les bébés. La lumière fragilise la peau et conduit à la formation de lésions cutanées oedermateuses (bulles) principalement au niveau des zones du corps exposées au soleil comme les mains, le visage, les oreilles et le cuir chevelu. La peau pourrait cicatriser plus lentement suite à des blessures ou lésions et s’infecter. Les plaies et bulles à répétition peuvent laisser des cicatrices ou des zones dégarnies sur le cuir chevelu.
  • Certains patients peuvent développer une coloration plus fonçée de la peau au niveau des zones exposées.
  • Les yeux peuvent aussi être sensibles à une lumière solaire ou artificielle intense à l’origine de lésions bulleuses et de cicatrices. Avec le temps certains patients perdent leurs cils rendant leurs yeux susceptibles à des irritations par des petites particules de poussière et de fibres.
  • L’anémie, correspondant à une quantité d’hémoglobines dans le sang en dessous de la normale, de sévérité variable, est une autre caractéristique de la PEC. L’anémie apparaît car les porphyrines endommagent des globules rouges qui sont ensuite détruits et éliminés par la rate. Les symptômes de l’anémie sont la fatigue, le manque de souffle après un effort physique ou encore la pâleur. Un test sanguin permet de confirmer la présence de l’anémie.
  • La rate peut progressivement grossir et aggraver l’anémie, et entraîner la baisse du nombre de plaquettes (les cellules sanguines qui permettent la coagulation) et des globules blancs (les cellules sanguines qui combattent l’infection) dans le sang conduisant à une augmentation du risque de saignement (ex: saignement du nez à répétition) et d’infection.
  • Les dents, en particulier les dents de lait sont colorées en brun rougeâtre par l’accumulation des porphyrines.
  • La PEC peut s’accompagner parfois de la perte graduelle de la masse osseuse (ostéoporose). L’ostéoporose augmente le risque de fracture suite à des accidents ou chutes légères.
  • Un excès de pilosité (poils) en particulier sur le visage, le dos et les mains peut se développer.

Comment la PEC se transmet-elle ?

La faible activité de l’enzyme UROS dans la PEC est due à une altération (mutation) dans le gène UROS qui code pour cette enzyme. Chaque individu a dans toutes les cellules de son organisme deux copies de chaque gène, une copie qui provient de la mère et l’autre du père. Pour développer la PEC, il faut avoir deux copies du gène altéré ou muté, chacune transmise par voie héréditaire de chacun des parents comme le montre le schéma. Ce mode de transmission est appelé « autosomique récessif » (« Autosomique » car le gène concerné n’est pas situé sur les chromosomes sexuels).

transmission porphyrie
Mode de transmission de la PEC
Les parents d’une personne atteinte de PEC ont transmis une copie muté du gène à leur enfant mais ne sont pas malades car ils ont aussi une copie normale du gène. De la même manière, certains des frères et sœurs de la personne atteinte ont pu hériter d’un gène muté de l’un des deux parents mais comme ils ont aussi hérité d’un copie du gène normal de l’autre parent, ils n’ont pas la maladie.
Les personnes ayant une copie du gène muté et une copie du gène normal sont appelées des « porteurs » de la maladie. Lorsque les deux parents sont des porteurs, à chaque grossesse leur enfant aura un risque sur quatre d’avoir la PEC et un risque sur deux d’être porteur à son tour. Le risque que l’enfant d’une personne porteuse de gène muté ait la PEC est extrêmement faible, car la mutation du gène responsable de la PEC est très rare dans la population générale donc il y a peu de risque que son conjoint soit porteur aussi, sauf si c’est un apparenté proche. Tous les enfants d’une personne atteinte de PEC seront des porteurs.

Comment la PEC est-elle diagnostiquée ?

La PEC peut être suspectée chez les enfants (ou plus rarement chez les adultes) qui présentent les symptômes décrits plus hauts. Le diagnostic est confirmé en dosanr le taux de porphyrines dans le sang, les urines et les selles. Les échantillons doivent être protégés de la lumière jusqu’à l’analyse. Un échantillon de sang peut aussi servir pour la recherche des mutations génétiques.

Peut-elle être diagnostiquée pendant la grossesse ?

Le diagnostic anténatal pour la PEC n’est pas proposé couramment, néanmoins il peut être proposé aux familles ayant déjà un enfant atteint de PEC. Dans ce cas un test appelé amniocentèse est réalisé à environ 12 semaines de grossesse. Sinon un autre test appelé biopsie de villosités choriales est réalisé vers 16 semaines de grossesse pour recueillir des cellules du sang provenant du placenta et donc du fœtus. Les mutations responsables de la PEC sont ensuite recherchées dans ces cellules.

Peut-on guérir la PEC ?

Actuellement, le seul traitement curatif disponible est la greffe de moëlle. Cela implique la transplantation de moëlle osseuse provenant d’un sujet sain (le donneur) à une personne atteinte de porphyrie érythropoïétique congénitale (le receveur). Suite à une greffe de moëlle osseuse réussie, les symptômes de PEC comme la photosensibilité ou l’anémie vont disparaitre. Par contre, les cicatrices existantes ne disparaîtront pas. Pour que la greffe réussisse, la moëlle du donneur doit être compatible avec celle du receveur. La greffe de moëlle est un traitement présentant des risques élevés pendant lequel le patient receveur est soumis, avant la greffe, des traitements lourds pour supprimer les défenses de son système immunitaire et ce, afin d’éviter un rejet. La greffe de moëlle n’est actuellement proposée qu’aux patients sévèrement atteints et qui ont un donneur compatible.

Quels sont les traitements disponibles ?

Le traitement de la PEC a pour but la prévention de cicatrices de la peau et des yeux, et le traitement des complications décrites ci-dessus. L’ensemble ou une partie des mesures suivantes peuvent être nécessaires :

  • Protection cutanée par rapport à l’exposition solaire directe pour prévenir l’apparition des lésions cutanées et les cicatrices.
  • Une photo protection rigoureuse est nécessaire par les vêtements, l’utilisation de gants, chapeaux, écharpes, manches longues, cols hauts et pantalons longs.
  • Les crèmes solaires conventionnelles (qui bloquent la lumière UV) ne sont pas efficaces pour la PEC où les patients présentent essentiellement une photosensibilité à la lumière UVA et visible.
    Des crèmes solaires à base de dioxyde de titanium ou d’oxyde de zinc sont formulées pour réfléchir à la fois les UVA, les UVB et une partie de la lumière visible. Elles sont donc plus efficaces (Photoderm M de Bioderma par exemple).
  • Des rideaux ou volets au domicile ou au travail peuvent être nécessaires pour réduire l’intensité de la lumière visible. Des films opaques peuvent être appliqués aux fenêtres des bâtiments ou véhicules. Mais il est nécessaire de vérifier que les films utilisés aux fenêtres des véhicules sont compatibles avec les lois et règlements de sécurité routière.
  • Possibilité d’utiliser des cosmétiques pour camoufler les cicatrices de la peau (www.skin-camouflage.net, en anglais)
  • Les yeux doivent être protégés de la lumière par des lunettes de soleil. Des soins spécialisés par un ophtalmologiste peuvent être nécessaires.
  • Les régions cutanées exposées à la lumière doivent être protégées par rapport aux petites blessures pour prévenir des cicatrices à long terme, par exemple en hydratant bien la peau et par l’utilisation de gants.
  • Les lésions cutanées bulleuses doivent rester propres et être protégées par des pansements si nécessaires. En cas d’infection, il faut utiliser des crèmes ou comprimés antibiotiques pour accélérer la guérison.
  • La souplesse articulaire notamment des doigts peut être réduite par les cicatrices de la peau. Des petits exercices réguliers de la main peuvent aider à prévenir ou retarder l’apparition de rigidité.
  • L’altération des fonctions des doigts et de la main suites aux plaies et cicatrices peut nécessiter l’aide de thérapeutes spécialisés
  • Les transfusions sanguines sont parfois nécessaires pour traiter l’anémie. Néanmoins des transfusions sanguines régulières peuvent conduire à une surcharge en fer. Le traitement de la surcharge en fer consiste à prendre des pilules ou des injections. L’accroissement de la taille de la rate peut aggraver l’anémie nécessitant une intervention pour l’enlever.
  • La détection d’ostéoporose (par des radiographies ou des mesures de densité osseuse) peut donner lieu à un traitement par comprimés.
  • Une bonne hygiène dentaire est importante pour prévenir une dégradation des dents. Si l’ouverture de la bouche est difficile due aux lésions et cicatrices, une brosse à dents douce pour enfants ou une brosse à dents électrique est éventuellement plus facile d’utilisation et endommagera moins les gencives.

Y aura-t-il de nouveaux traitements pour la PEC dans l’avenir ?

La recherche sur la thérapie génique comme possibilité de traitement curatif est en cours. Cela implique de corriger l’anomalie du gène de la personne atteinte. Il est réaliste de s’attendre à des progrès significatifs dans ce domaine dans les dix ans à venir.

La prise de certains médicaments peut-elle aggraver la PEC ?

La PEC est une porphyrie érythropoïétique, elle est donc différente des porphyries hépatiques aigües où certains médicaments peuvent aggraver l’état des patients. La PEC n’est pas aggravée par la prise de ces médicaments. C’est pourquoi, sauf si un médicament est contre-indiqué à un patient pour allergie où toute autre raison médicale, il n y a pas de restriction à l’utilisation de médicaments nécessaires à l’état de santé d’un patient atteint de PEC.

Quelles autres précautions les patients PEC doivent-ils prendre ?

En cas d’intervention chirurgicale chez un patient atteint de PEC, les organes internes vont être exposés à une forte intensité de lumière dans la salle d’opération. Les tissus des organes internes peuvent être endommagés, comme c’est le cas des lésions de la peau suite à l’exposition à la lumière. Le chirurgien doit donc être prévenu du risque, afin de réduire l’exposition en utilisant par exemple des filtres spéciaux pour l’éclairage du bloc opératoire.

Où puis-je trouver des informations supplémentaires à ce sujet?

Etant donné que la PEC est une maladie très rare, la plupart des médecins ont peu d’expérience à ce sujet. Néanmoins les dermatologues et les hématologues suivent la plupart des patients souffrant de PEC et demandent souvent conseil au CFP. Si vous vous posez des questions concernant votre risque de transmettre cette maladie à vos enfants, vous pouvez être orienté soit vers un généticien ou vers le CFP.
Même s’il y a un certain nombre de sources d’informations disponibles à ce sujet et dont la plupart sont sur internet, soyez vigilant elles peuvent ne pas avoir été validées par des spécialistes des porphyries. La plupart des sites référents pour les porphyries donnent des informations sur tous les types de porphyries.